Archipel de Chausey
RAPPORT DE PROSPECTION
Autorisation n° 12 valable du 16/05/94 au 31/12/94
Antoine CHANCEREL, Benjamin HERARD, Emmanuel GHESQUIERE, Jean DESLOGES
Caen: Service Régional de l’Archéologie de Basse-Normandie
1994
Prospections dans l’archipel de Chausey
(commune de Granville – Manche)
Campagne de 1994
par
A. Chancerel, B. Hérard, E. Ghesquière, J. Desloges
L’opération de prospection a été déclenchée à la suite de la découverte par H. Hillard d’un cercle de pierres au pied d’un des innombrables îlots qui composent l’archipel. La découverte effectuée sur un agrandissement d’une photo verticale de l’IGN, a tout d’abord été confirmée par une reconnaissance sur place par H. Hillard et G. Hurel. Puis la trouvaille a été communiquée à C. Mauger, collaboratrice de l’ancienne Direction des Antiquités préhistorique, qui a ensuite retransmis l’information au Service Régional de l’Archéologie.
Une première visite sur place effectuée grâce à l’obligeance de H. Hillard a permis de reconnaître l’importance de ce site totalement inédit. Par la suite, une campagne de relevés a été mise sur pied afin de pouvoir établir le plan du monument. Au cours de cette semaine passée sur place, des prospections pédestres dans la Grande Ile et le relevé d’un des coffres mégalithiques ont été entrepris.
Qu’il nous soit permis de remercier toutes les personnes qui ont contribué à rendre possible cette opération: Mr Philippe Antoine, Président de la S.C.I., pour nous avoir autorisés à effectuer ce travail, la DRlRE qui a mis à notre disposition l’ancien sémaphore pour notre hébergement, G. Hurel qui nous a prêté un doris, P. de Saint Front qui a apporté aux terriens que nous sommes les indispensables rudiments de matelotage et bien sûr H. Hillard qui nous a accueillis et guidés sur place. J. P. Lautridou du Centre de Géomorphologie du CNRS, J. P. Auffret du Laboratoire de Géologie marine et J. Cosson du Laboratoire d’Algologie fondamentale et appliquée de l’Université de Caen, ont bien voulu nous apporter chacun pour ce qui le concerne, toutes les informations utiles pour la caractérisation des niveaux marins.
1. Contexte paléogéographique
L’archipel de Chausey se situe à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Granville. Il est composé d’une multitude d’îlots et d’écueils dont une cinquantaine ne sont jamais recouverts à marée haute. Avec le jusant, l’archipel laisse place à un platier très étendu, plus ou moins émergé et traversé de bras de mer.
Sur le plan géomorphologique, ce platier constitué d’affleurements granitiques est en grande partie déblayé de sa couverture d’altérite. Les pointements rocheux sont reliés entre eux à marée basse par des tombolos de sable ou de galets. Des cordons dunaires relient encore parfois ces pointements comme le Gros Mont et la Riche Roche à la Grande rIe. Des chenaux ne découvrant jamais traversent l’archipel: le Sund à l’ouest et le Chenal de Beauchamp à l’est. Ce dernier sépare l’archipel en deux domaines principaux, l’un au nord-est constitué de vastes étendues sableuses avec quelques rochers et l’autre à l’ouest qui groupe la presque totalité des îlots dont la Grande Ile qui culmine à 37 m d’altitude. Ces chenaux paraissent être d’anciennes vallées immergées.
L’archipel semble avoir été coupé du continent, d’après les analyses polliniques effectuées dans les sédiments sous-marins entre Chausey et Granville, à une date qui ne peut pas être postérieure au Boréal, les niveaux les plus profonds n’ayant livré aucun taxon d’aulne et de tilleuls, espèces qui apparaissent à l’Atlantique (Elhaï 1963). Ces niveaux sont constitués de sédiments fins d’eau douce ou déjà saumâtres. C’est donc entre 6000 et 5000 avant J.C. qu’il faut situer le début de l’insularité. Au cours du Boréal, le niveau marin remonte très rapidement de -20 m à -10, -8 m. Le futur archipel est alors une sorte de finistère au relief légèrement moutonné et sans doute creusé de vallées peu encaissées. Avec la remontée post-glaciaire du niveau marin jusqu’à la cote actuelle, une bonne partie des sédiments continentaux de couverture se sont trouvés érodés et remobilisés sur place par les courants de marée et par les vents. Entre ce moment que l’on peut situer aux alentours du début de notre ère (fin de la transgression du Dunkerkien I) et le Boréal, l’archipel était donc une grande île assez plate ponctuée de quelques collines et aux contours découpés par des rias.
Les données concernant les paléoenvironnements sont assez mal connues faute d’études approfondies et il n’est guère possible pour le moment d’aller au delà de ces quelques généralités. Quoi qu’il en soit, pendant tout le Néolithique et la Protohistoire, le paysage de Chausey offrait aux communautés humaines un espace habitable infiniment plus vaste et fertile que de nos jours. Il n’est donc pas étonnant de retrouver des vestiges en tous points de l’archipel, y compris en des lieux aujourd’hui recouverts par le mer.
2. Le cromlech de l’Oeillet
a. Description
Le monument est implanté dans la zone intertidale. Il est entièrement recouvert à chaque marée~ Il se compose d’un cercle de blocs de granite bruts. Ces blocs sont pour l’essentiel aujourd’hui couchés ou très inclinés. Seuls cinq d’entre eux sont encore plantés sur leurs bases (fig. 1).
La forme du cercle originel est difficile à préciser sans une fouille. Néanmoins, compte tenu de la position respective de chaque élément, elle doit se rapprocher d’un cercle aplati (flattened circle des auteurs anglo-saxons). Les quelques blocs encore debout donnent des repères solides à partir desquels on peut estimer le sens d’écroulement des blocs couchés, soit vers l’intérieur soit vers l’extérieur, et par là même faire passer un contour approchant satisfaisant. Par chance, la forme aplatie est donnée de façon indiscutable par l’orientation de dalles encore plantées aux points d’inflexions entre les deux courbures, celle du cercle au sud et celle de sa portion aplatie au nord (fig. 2).
Le diamètre varie de 13,40 m à 11,70 m. Le nombre de dalles visibles est actuellement de 40, ce qui représente un minimum, certaines dalles pouvant être en totalité enfouies ou avoir été extraites. La taille moyenne de ces dalles est comprise entre l,50 et 2 m.
Des petits blocs d’une vingtaine de centimètres en moyenne jalonnent le cercle de dalles. Ces éléments correspondent d’avantage à un dispositif de calage plus ou moins perturbé qu’à un reste de maçonnerie destinée à obturer les espaces entre les dalles dressées. A l’est en particulier, ces éléments matérialisent encore une sorte de tranchée de fondation de 60 à 70 cm de large. Un petit sondage de vérification de 1,50 m sur 1 m implanté sur le bord extérieur du cercle a été ouvert là où cette structure était la plus nette. Cette opération limitée à un décapage du sable argileux coquillier superficiel a fait apparaître un limon panaché brun-gris très hydromorphe ponctué d’ocre, pratiquement dépourvu de pierres et au sein duquel se lisaient des taches plus sombres. L’examen de ces taches n’a malheureusement fait apparaître aucune organisation cohérente permettant de conclure quant à l’agencement du dispositif de fondation. Une fosse située en arrière d’une des dalles couchées et présentant un remplissage équivalent à la couche superficielle, contenait des coquillages, des silex roulés et des petits blocs. Elle doit être interprétée comme résultant de l’arrachement de la base du bloc lors de son écroulement. Les taches brunes ne sont pas interprétées. Elles pourraient correspondre aussi bien à des passages de racines ou à des terriers qu’à des phénomènes pédologiques.
A l’intérieur du cercle, aucune structure interne ni aucun tertre n’était visible au moment de l’opération. Seul un petit bloc affleurait vers l’est. Un sondage de 2 m2 limité là encore à l’enlèvement du sable vaseux coquillier actuel, a fait apparaître une petite sole empierrée de plan ovalaire et parfaitement bien circonscrite. Elle mesurait 1 m de large sur plus de 1,25 m de long. Cette sole en forme de cuvette était composée de gros galets disposés bord à bord. Bien que les blocs de granite n’aient pas été éclatés ni apparemment rougis par le feu, une telle structure fait immédiatement penser à un foyer appareillé. Cette structure n’a pas été fouillée ni démontée de sorte qu’aucun charbon permettant d’accréditer cette hypothèse n’a été recueilli.
b. Intérprétation
L’hypothèse pêcherie
La présence d’une telle construction sur estran, découvrant entièrement à marée basse, nécessite d’évoquer et de discuter de son éventuelle appartenance à une pêcherie. Des files de blocs se raccordant au cercle font, en effet, penser à ce type d’aménagement (fig. 3). La plus nette, au nord, dessine un arc de cercle qui se raccorde au trait de côte de l’Oeillet. Longue de 75 m environ, elle est composée d’une dizaine de blocs espacés irrégulièrement tous les 6 à 10 m. Ces blocs sont nettement plus petits que ceux qui composent le cercle et sont de formes quelconques. L’arc de cercle enserre un espace dépourvu de pierres adossé à l’îlot. Celle du sud, constituée de quelques blocs équivalents, dessine un petit alignement plus confus. Sur le bord nord du platier rocheux du Grand Colombier, se voit une autre ligne de blocs légèrement courbe qui suit là encore le trait de côte. Cet arc ne se raccorde cependant au cercle.
Ces dispositifs qui s’appuient au littoral font penser à des parcs ou à des pêcheries, les gros blocs pouvant servir d’appui à des fascines ou à des petits murets aujourd’hui détruits. Mais là s’arrête l’analogie. Un élément incontestable interdit, en effet, de voir dans le cercle un quelconque réceptacle à poissons à l’instar de benâtres des pêcheries de plage. Ces structures de forme circulaires de quelques mètres de diamètre, parfois remplacés par des nasses ou bourgnes ou par des filets en forme de manchons appelés verveux (d’après l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert), sont situées à l’extrémité d’entonnoirs en filets ou en fascines. Dans le cas présent, le cercle, qui est fermé et de très grand diamètre, est situé à l’amont des dispositifs en blocs espacés, de telle sorte qu’à marée descendante, il découvre avant les parois censées canaliser le poisson, ce qui est contraire à toute logique. Par ailleurs, comme on le verra plus loin, le secteur compris entre le Grand Colombier, le Grand Puceau, l’Oeillet et le Petit Colombier est un milieu sans énergie où le flot ne suffit pas à effacer, l’espace d’une marée, les traces de pas sur la vase. On voit mal pourquoi il aurait été nécessaire de recourir à des calages en aussi gros blocs pour assujettir des filets ou des fascines.
L’hypothèse cromlech
Toute une série d’arguments fondent en revanche cette seconde interprétation. Il s’agit essentiellement de parallèles typologiques. Ainsi la forme n’a de points de comparaison qu’avec la Grande Bretagne. D’après Burl (1976), sur les quelques 900 cercles de pierres recensés dans les îles britanniques, environs 150 sont des flattened circles. Le corpus partiel établi par Thom, Thom et Burl (1980) en figure une petite vingtaine qui sont tout à fait équivalents à celui de Chausey (fig. 4). En France, en revanche, cette forme est apparemment unique. L’orientation de l’arc aplati n’a semble-t-il aucune signification et doit plus vraisemblablement être commandée par la topographie du lieu d’implantation. La comparaison des diamètres est également de peu de secours dans la mesure où leur variabilité est très importante. Il en existe pour cette catégorie en gros trois classes, une entre 12 et 17 m, une autre entre 21 et 33 m et une dernière entre 43 et 46 m. Un seul fait plus de 100 m. A Chausey, le monument se classe donc dans la catégorie des plus petits cercles aplatis. Le nombre de dalles utilisées en Grande Bretagne est également très variable et est indépendant du diamètre. Il existe des grands cercles comportant peu de blocs très espacés et des petits où les blocs sont resserrés. A Chausey, ce nombre est anormalement élevé par rapport au diamètre si l’on s’en tient à la comparaison avec l’Angleterre où un tel nombre se rencontre habituellement dans les cercles de plus de 40 m de diamètre. Avec les cromlech bretons, les comparaisons sont moins aisées en raison de la moindre densité de monuments. Exceptés les cercles, les ovales ou les quadrilatères situées aux extrémités des alignements de la région de Carnac, ces monuments ne sont jamais complètement fermés (Er Lannic, Pen Hap etc..) et s’écartent donc du modèle représenté ici. Le cercle de Pen Ar Land à Ouessant, de forme ovoïde possédait un petit menhir central. Il mesure 13 m sur 10 et comprend encore 18 petits blocs réunis par un petit muret de pierres (Briard et Legoffic 1988). Dans le sud de la France, les cercles de pierres sont pour l’essentiel associés à des coffres sépulcraux mégalithiques (Maury 1968). Le seul cercle d’ailleurs discutable, connu jusqu’alors en Basse-Normandie est celui de Chênedouit dans l’Orne (inédit)
c. Datation
En l’absence de tout vestige organique, la datation est difficile à établir. Deux arguments indirects peuvent cependant être utilisés. Le premier concerne la cote d’altitude par rapport au niveau des plus hautes mers de vives eaux (PHM). En l’absence de repères NGF proches, ce niveau a été déterminé, lors de l’opération, en prenant pour base la limite entre le lichen noir (Verrucaria) qui marque le niveau des hautes mer et le lichen orangé (Xanthoria parietina) qui n’est jamais immergé. Le cromlech se situe à – 2,20, – 2,30 m sous ce niveau. Compte tenu du marnage (pour les marées de 120) qui est de plus de 14 m à Chausey, le 0 NGF se situe aux alentours de 7,20 m sous le niveau des PHM. Le cromlech est donc implanté à + 5 m NGF.
Différentes courbes de la transgression flandriennes ont été établies qu’il est tentant de considérer comme des abaques permettant de dater le recouvrement de tout niveau topographique par la mer. Ces courbes sont dressées pour des régions données, essentiellement à partir des tourbes littorales, et ne s’accordent pas toutes entre elles. Ainsi, une variation constante de 3 ou 4 m peut s’observer dans la Baie du Mont Saint Michel, entre celle de Morzadec (1974) établie pour le marais de 001 et celle de Clet et alii (1981) établie pour la partie orientale de la baie (fig. 5). Cette différence est à l’heure actuelle interprétée comme le résultat d’un tassement beaucoup plus important des tourbes à l’ouest de la baie où leur épaisseur est plus grande qu’à l’est. Les creux obtenus de façon concomitante sur les courbes vers 5800, 3500 et 2200 avant J.C. correspondent également à des dépôts de tourbes dont on ne peut dire s’ils correspondent à de régressions marines à des stabilisations ou seulement à de simples modifications des cordons littoraux dans le contexte du fond de baie en voie de colmatage. certaines courbes, d’autre part, sont lisses, telle celle de Larsonneur (1971) obtenue pour la Manche centrale et la baie de Seine.
Compte tenu de ces éléments, on peut estimer que le niveau + 5 NGF n’a été ennoyé qu’à partir de 4500 / 4000 BP, c’est à dire vers la fin du Néolithique. Il a donc fallu que le cromlech soit nécessairement construit avant cette date. Cette estimation s’accorde avec les résultats obtenus à Saint-Jean-le-Thomas où une datation C 14 situe le niveau + 4,3 NGF (- 3 m sous les PHM) vers 4700 BP* (Clet et al. 1981). A l’ouest de la baie, dans le cours du Biez Jean notamment, c’est entre 4800 et 4400 BP que la mer remonte le plus loin à l’intérieur des terres, marquant ainsi une importante phase transgressive qui culmine vers 4000 BP avec la rupture du cordon littoral à Saint-Jean-le-Thomas et Lingreville.
Hors de la baie, des indications plus ou moins comparables ont été données pour des mégalithes. Ainsi, en Brière, le menhir de pierre Blanche, à – 3 m sous les PHM a été construit avant 4300 BP et celui de Hélé à Douges situé à la même cote a pu être daté précisément entre 4500 et 4200 BP. De même, l’allée couverte de Kernic à Plouescat dans le Léon située également à – 3 m sous les PHM était en usage entre 4500 et 4000 BP (Prigent et al. 1983). Dans le golfe du Morbihan, le cromlech d’Er Lannic qui est en fait composé de deux cercles tangents, est implanté dans sa partie la plus basse à environ 5 m sous les PHM (Giot et al. 1979). D’après les fouilles faites par Z. Le Rouzic entre 1923 et 1926, il semble que le monument soit plus récent que les foyers et les petits coffres retrouvés associés à un très abondant matériel du Néolithique moyen.
Le second argument concerne le contexte archéologique du monument. Une petite série de silex taillés a été recueillie à proximité immédiate du cercle dans le sable de haut de plage. Ces vestiges proviennent de points très localisés, d’une part au pied de l’Oeillet mais uniquement au droit du cromlech et d’autre part ‘au nord-est du Grand Colombier, c’est à dire de chaque côté de la structure (fig. 3). Aucun silex n’a été retrouvé dès qu’on s’éloignait vers l’est ou vers l’ouest, y compris sur le reste du pourtour de l’Oeillet. Une telle répartition semble fortement commandée par la présence du monument. La série est malheureusement très roulée et aucun lambeau de sol en place n’a pu être reconnu. La présence de quelques artefacts d’aspect plus frais indique cependant que de tels lambeaux doivent sans doute exister encore sous le sable de plage. 585 pièces ont été récoltées. Il s’agit en majorité d’éclats (512) de petite taille. Les nucleus sont tous à éclats et l’ensemble du matériel se caractérise par le débitage côtier. Les lamelles sont rares, peu effilées et courtes. L’outillage (fig. 6), tout au moins les pièces que l’usure marine n’a pas trop dénaturée, est relativement abondant avec 40 pièces, soit un peu moins de 7 %. Il est composé principalement de grattoirs simples (rarement denticulés) qui représentent près des 3/4 du lot. Le reste est composé d’éclats retouchés divers et de deux flèches tranchantes. Une pièce pourrait être une ébauche de flèche à pédoncule et ailerons. L’ensemble évoque le Néolithique moyen ou final (cf étude spécifique en annexe).
Enfin, il est vraisemblable que ce monument soit à l’origine du nom donné à l’îlot. Non expliqué, en effet, par Hurel (1896), ce toponyme d’origine médiévale (oellet au XIII e siècle) qui désigne un trou cerclé destiné à passer un lacet, paraît avoir été attribué au lieu à cause de la présence de cette particularité remarquable que représentait le cromlech.
* datations exprimées ici en années c14 non calibrées.
3. Les autres monuments mégalithiques
Un certain nombre de mégalithes ont été signalés dans l’archipel. Les sources bibliographiques les concernant sont loin d’être très détaillées et se résument le plus souvent à de simples énumérations que les auteurs ont recopié en y faisant parfois quelques ajouts. Les mentions les plus anciennes datent de la fin du XIX ème siècle seulement. Vers 1850, Moulin dans une étude pourtant consacrée aux monuments druidiques des îles anglo-normandes, reste malheureusement muet sur Chausey (contrairement à ce qu’avancera plus tard Gibon). Le premier à faire mention de recherches archéologiques sur Chausey est Bourde de la Rogerie (18 ) qui en 1896 explore, sans résultats, « deux petits tumulus assez bien conservés » dont il ne précise d’ailleurs pas la localisation. D’après lui, c’est en 1834 que furent trouvées près de Gros Mont « deux belles haches de pierre qui selon Gerville auraient suffi à la gloire d’un musée ». Deschamps du Manoir en 1873 mentionne la trouvaille sur la Grande Ile de haches en 1834 et évoque la présence de menhirs sur l’une des îles sans préciser d’avantage.
En 1891, de Potiche, en citant Chèvremont mentionne à nouveau la trouvaille d’instruments en pierres polies faite en 1836 ou 1834. De même en citant Moulin, il rapporte qu’en 1840, « tant dans la Grande Ile qu’à la Genétaie, on a trouvé cinq haches celtiques en silex ou en schiste ». Malheureusement, aussi bien pour ce qui concerne Chèvremont (1882) que Moulin (plusieurs références), aucune de leurs citations n’a pu être retrouvée dans les articles mentionnés. La seule possibilité de remonter au texte source concernant ces haches se trouve apparemment dans le Journal de Granville des années 1860 à 1870, sous la plume de Moulin. Plus tard ces informations seront reprises par différents auteurs.
Entre 1912 et 1914, Gibon rédige une très importante monographie historique sur l’archipel. Le chapitre malheureusement sommaire et entaché d’imprécisions, qu’il consacre aux origines n’en jette pas moins les premières bases d’une étude de ce patrimoine. Il cite le dolmen de la Maison des Morts et rapporte qu’à cette époque, il avait déjà dû être fouillé. Selon lui, c’est là, ou dans les environs, qu’auraient été découvertes en 1934, les haches, au nombre de trois cette fois, et dont une était « polie et striée avec une habileté qui défierait presque un lapidaire de nos jours ». Ces haches étaient conservées chez les demoiselles Hédoin (premières héritières de l’archipel et dont la dernière est morte en 1919). Il cite également le dolmen de la Chapelle dont la chambre était « à moitié comblée » et sur la Genétaie, un menhir cassé en deux, trois dolmens et un cromlech, ce dernier situé sur le point culminant. Tous ces édifices ont été retrouvés. Il mentionne également à la Pointe de l’Epée, un tumulus « assez marqué entouré de pierres dont le placement semble dû à la main de l’homme », et sur l’île de la Meule, « une ou deux chambres funéraires douteuses » qui n’ont pas encore été vérifiées.
Les auteurs suivants n’apporteront guère de précisions nouvelles. Jourdan (1954) reprend la découverte des haches (encore au nombre de trois) trouvées dans le dolmen de la Maison des Morts en 1834. Cette découverte aurait été faite par des carriers. De la Morandière (1956) rapporte quant à lui que « en 1834 deux haches furent exhumées au cours d’une fouille et que l’on découvrit une chambre funéraire ». Cet auteur parle aussi de restes de chambres funéraires sur d’autres îlots que la Genétaie et la Grande Ile. Durand de saint Front* (1965) pour sa part, complète la documentation sur les deux haches polies en indiquant que l’une était en jadéite et surtout qu’elles ont été perdues en 1944. Plus récemment, Barthelemy (1973) rapporte, au conditionnel, la présence de mégalithes autour de Gros Mont.
* : fils d’un des fondateurs de la S.C.I. actuellement propriétaire de la presque totalité de l’archipel.
a. Le dolmen de la Maison des morts
Le monument se situe sur un petit replat granitique dominant l’Anse à la Truelle, entre les Blainvillais et Gros Mont. A cet endroit, le substrat rocheux affleure fréquemment. Le monument est excavé de telle sorte que la table de couverture repose au niveau du sol environnant. Il est très probable que les constructeurs ont profité d’une anfractuosité naturelle pour implanter le monument dans la mesure où la roche affleure à quelques mètres de distance seulement, surtout au nord-ouest.
Le dolmen est en réalité un simple coffre mégalithique de construction très simple. La chambre funéraire est délimitée sur trois de ses côtés, par des dalles uniques posées de chant (fig. 7). Les montants latéraux mesurent 2,30 et 2,50 m de long pour environ 1 m de haut. Les dalles qui les composent présentent le même mouvement parallèle de dévers. La dalle de fond (1,15 m par 1,40 m), bien verticale elle, présente avec les dalles latérales inclinées, une complémentarité des formes qui est d’autant plus remarquable qu’elle est héritée d’un processus d’écroulement naissant. Replacée graphiquement dans sa position supposée d’origine avec des montant latéraux verticaux, la dalle paraît moins bien assise. Du côté opposé, la fermeture du coffre est moins nette. Une dalle inclinée de 0,70 m par 0,80 m, peu épaisse et plaquée contre la paroi terreuse ne paraît pas suffisante pour constituer le quatrième côté du coffre. Il n’est d’ailleurs pas possible de déterminer si elle est en place ou non.
La couverture est assurée par une dalle unique reposant par trois points sur les montants latéraux. Elle n’a aucun contact avec la dalle de fond. Elle ne couvre pas la totalité de la chambre mais une autre dalle plus petite gisant à 4 m de là, est d’un gabarit suffisant pour avoir pu compléter la couverture originelle.
La datation de cet édifice, basée sur la seule typologie de son architecture est évidemment délicate. La présence d’un éventuel mobilier de haches polies est encore trop conjecturale pour être de quelque utilité. On peut cependant souligner que ces haches qualifiées de splendides par les auteurs qui ont pu y avoir accès (Bourde de la Rogerie, Gibon, Durand de saint Front), évoquent, tant par leur association que par leur très bonne conservation, d’avantage un dépôt volontaire ou un mobilier sépulcral, qu’un matériel retrouvé dans un habitat où les pièces sont en général fragmentaires.
b. Les autres dolmens
Les autres monuments funéraires repérés sur la Grande Ile (dolmen de la Chapelle) ou sur la Genétaie n’ont pas pu faire l’objet de relevés lors de la présente campagne. Leur observation préliminaire a cependant permis de constater qu’ils présentaient la même architecture avec des montants latéraux monolithiques de dimensions semblables, une chambre creusée par rapport au sol environnant, parfois une dalle de couverture et, ce qui est beaucoup plus intéressant, un péristalithe plus ou moins bien conservé. Ces dernières structures de forme circulaire son~ composées de dalles dressées délimitant un entourage d’une petite dizaine de mètres de diamètre. Sur un des coffres de la Genétaie, cette structure est particulièrement remarquable tandis que sur un autre, la chambre ne possède plus qu’un de ses montants latéraux. De même, le cromlech mentionné par Gibon au sommet de l’îlot semble correspondre au péristalithe d’un coffre détruit. Il s’agit d’une structure approximativement circulaire d’environ 6 m de diamètre, formée de petits blocs ne dépassant pas 0,60 m de haut et disposés à intervalles irréguliers. Tous ces monuments sont aujourd’hui vidés de leur contenus et encombrés de végétation (ronces, ajoncs). Il n’existe apparemment aucune relation bibliographique des explorations qui y ont été faites. L’un d’eux, le dolmen de la Chapelle, a même été « restauré » au cours de l’été 1968 par le curé de l’île (article de la Presse de la Manche du mois d’octobre 1968). On ignore quel était son état d’origine.
De tels monuments sont connus dans les autres îles anglo-normandes sous le nom de « cists in circle » (Kinnes 1988). Ils apparaissent, au sein du mégalithisme atlantique, comme une spécificité des îles. Ils sont surtout abondants à Guernesey et à Herm. De dimensions variées, ces monuments n’offrent pas de réelle standardisation typologique et peuvent appartenir à différentes périodes. Il existe également un certain nombre de cistes ou coffres simples non inscrits dans des cercles de pierres. Ces sites sont parfois complexes comme celui de l’Islet à Guernesey qui présente plusieurs cercles accolés. D’autres comme la Hougue des Platons à Jersey ne possèdent qu’un tout petit coffre central de 1/2 m2. certains sont cependant la copie conforme de ceux ce Chausey. C’est le cas notamment de la ciste de Tourgis à Aurigny qui subsiste encore de nos jours.
Le mobilier n’est jamais antérieur au Néolithique final (Kendrick 1928), mais demeure chronologiquement mal daté faute de parallèles éclairants. Des vases tronconiques à fond plats ornés d’anses alternant avec des boutons comme ceux de l’Islet ou de la Hougue des Platons pourraient tout aussi bien trouver leur place à l’âge du Bronze ancien. Certains monuments en particulier à Herm, ont livré des vestiges campaniformes et d’autres encore, comme les cistes simples de Catioroc ou de la Hougue au Comte à Guernesey, contenaient un mobilier du second âge du Fer.
4. Recensement des sites archéologiques
L’inventaire des sites faisait état en 1993 de 4 sites certains et de 5 indices de sites ou gisements non localisés. Au terme de la prospection réalisée, 6 sites certains et 9 indices de sites sont venus s’ajouter à cet inventaire. Plus de la moitié des sites ou indices inventoriés appartiennent à la période néolithique. Les périodes protohistorique, gallo-romaine, médiévale et moderne – bien moins représentées – se partagent les 9 gisements restants. (voir tableau ci-dessous). Seules les îles de la Genétaie, d’Aneret, de l’Oeillet, du Grand Colombier en partie et de la Grande Ile ont été prospectées.
Période mésolithique
Un petit échantillon de silex taillés a été recueilli sur le versant de la Pointe du Phare (site 13). Parmi la vingtaine de pièces ramassées, figurent une armature incontestablement mésolithique à savoir une pointe à base retouchée.
Période néolithique
Outre les mégalithes mentionnés plus haut du Dolmen de la Chapelle (site 12) et du Dolmen de la Maison des Morts (site 6), des coffres de la Genétaie (sites 1 à 4) et du cromlech de l’Oeillet (site 8) ainsi que les stations qui y sont associées (sites 8 et 16), les prospections ont révélé des traces ténues d’habitat.
Il s’agit de deux petites stations très mal cernées, situées respectivement sur les grèves de Port Marie et de l’anse à la truelle (indices de sites 4 et 5). Dans les deux cas, les vestiges observés se limitent à quelques éclats de silex. Sur la plage de Port Marie, quelques artefacts avaient déjà été recueillis précédemment par J.C. Poutiers. Sur celle de l’Anse à la Truelle, une quantité de silex un peu plus conséquente (150 pièces environ) a été ramassée par nos soins, accompagnée de quelques tessons très grossiers de facture protohistorique et de céramique commune gallo-romaine (4 ou 5 tessons dans les deux cas). La série lithique n’est composée pratiquement que d’éclats. Les seuls outils attestés sont des grattoirs (environ une dizaine).
Période protohistorique
Une vingtaine de tessons de céramique modelée, de taille centimétrique, a été trouvée dans la coupe d’une micro-falaise située à l’extrémité de la pointe rocheuse faisant face au Gros Mont au sud de l’anse à la Truelle, à 200 m à l’ouest du village des Blainvillais. Aucun de ces fragments n’est décoré et ne peut être attribué précisément à l’un ou à l’autre âge des métaux. Une dizaine d’éclats de silex et un percuteur en grès accompagnaient la série (indice de site 7). Quelques tessons ont été observés également plus à l’ouest, à environ 150 m sur la plage (indice de site n° 5) .
Période gallo-romaine
Les traces d’occupation de l’archipel à l’époque gallo-romaine sont très ténues et se limitent à trois découvertes. L’une est signalée par la bibliographie (Gibon 1988). Il s’agit d’un trésor monétaire gaulois ou gallo-romain recueilli au début du siècle dernier en un endroit inconnu. La seconde est un fragment d’amphore recueilli anciennement sur la Grande Grève. La dernière correspond à quelques tessons de céramique commune à pâte grise dépourvus de décors recueillis sur la station néolithique n°5
Période médiévale
La date de fondation du prieuré de Chausey (indice de site 9) est inconnue. Il n’est plus visible aujourd’hui et devait être situé, si l’on se réfère à la bibliographie ancienne, entre la ferme et l’église Notre-Dame (détruite également mais dont la localisation est établie). Ce prieuré est mentionné dans plusieurs documents à partir du XIII e siècle mais il est permis de penser qu’il a succédé à un simple ermitage.
Ce prieuré des Frères Mineurs fut supplanté en 1343 par un couvent franciscain qui s’est probablement inscrit à son emplacement ou à une proximité très immédiate. Il se peut aussi que cette fondation ne soit traduite dans les faits que par une simple restauration de l’édifice déjà présent. Les bâtiments du prieuré semblent avoir été abandonnés au milieu du XVIe siècle consécutivement aux pillages incessants d’assaillants anglais.
Les fondations d’une église dédicacée à Notre-Dame étaient encore visibles en 1850 (site 11). Au moins trente sépultures (en pleine terre) furent exhumées fortuitement lors de travaux agricoles au début du siècle dernier et encore récemment, aux abords immédiats de l’édifice. La localisation de ce site est clairement établie dans le champ dit » Le Cimetière » au centre de la Grande Ile, à 200 m à l’Ouest de la chapelle bâtie en 1840. Sa position est notamment indiquée sur la carte des îles Chausey dressée par l’ingénieur Meynier en 1736 (Gibon 1988). Le plan cruciforme et les mentions des textes médiévaux laissent supposer que sa construction doit être antérieure au XIII e siècle Une fontaine sans doute contemporaine de l’église subsiste en bon état de conservation à quelques dizaines de mètres au Sud-Est. La prospection au sol effectuée dans la parcelle avec M. Gérouard, ancien exploitant, a permis de constater une présence importante de moellons en surface du champ.
Période moderne (XVIe-XVIIIe siècle)
La forteresse des Matignon (site 10) fut construite au milieu du XVIe siècle et certains de ses éléments architecturaux subsistèrent jusque dans les années 1920 et ce malgré la construction d’un nouveau corps-de-garde vers 1740 sur la moitié de son emprise. L’allure de ces fortifications nous est connue par les plans de l’ingénieur Meynier, publiés par Paul de Gibon. La première forteresse, de forme sub- quadrangulaire, comportait une tour ronde, une chapelle, une boulangerie, une étable, un puits etc. Elle était entourée d’un fossé. La seconde construction, d’ampleur plus modeste ne reprend que la partie Ouest de la précédente, deux tours quadrangulaires sont placées aux angles nord/nord-ouest et nord-est (l’une de ces tours remplace la tour circulaire antérieure). La partie non-réaménagée correspondant à l’ancien édifice est alors transformée en jardin potager. L’emplacement de ces deux forts successifs est connu actuellement sous le nom de Château Renault en souvenir de l’ingénieur automobile qui en fit l’acquisition au début du siècle.
L’emplacement du corps de garde précédemment évoqué ne sembla pas satisfaire les stratèges militaires de Louis XV qui reçurent pour mission de renforcer la défense de l’archipel. En effet, sa position topographiquement basse ne lui permettait pas de surveiller de façon efficace le trafic maritime et par là même d’assurer la protection de l’archipel des incursions britanniques. Aussi, fut-il érigé une redoute sur la pointe sud de la Grande-Ile, station qui permettait l’installation permanente d’une batterie d’artillerie et de ses desservants (site 15). Cette nouvelle fortification était pratiquement achevée lorsqu’en 1756, un corps expéditionnaire anglais s’en empara et la fit démolir. Ce n’est qu’en 1866 qu’on reconstruisit à nouveau un fort à cet emplacement.
Bibliographie
Généralités
- BRIARD J. et LE GOFFIC M. 1988. Un observatoire préhistorique à Ouessant. L’enceinte de pierres de Pen ar Land, Journées préhistorique de Bretagne, Université de Rennes, p. 8-11.
- BURL A. 1976. The stones circles of the British Iles, Yale University Press, 410 p.
- CLET-PELLERIN M. LAUTRIDOU J.P. DELIBRIAS G. 1981. Les formations holocènes et pléistocènes de la partie orientale de la Baie du Mont saint Michel, Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie, vol. 109, p. 3-20.
- COSSON J. et BILLARD C. 1978. Flore algale des îles Chausey, Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie, vol. 106, p. 62- 72.
- GIOT P.R. L’HELGOUAC’H J. MONNIER J.L. 1979. Préhistoire de la Bretagne, Ouest-France Université, 444p.
- KENDRICK T.D. 1928. The archaeology of the Channel Islands. Volume 1, the Bailiwick of Guernesey, London, 274 p.
- KINNES 1. 1988. Mégaliths in action: some aspects of the neolithic period in the Channel Islands, Archeological Journal, vol. 145, p. 13-59.
- LARSONNEUR C. 1971. Manche centrale et Baie de la Seine. Géologie du substratum et des dépôts meubles, thèse de doctorat d’Etat, Université de Caen, polycopiée, 394p.
- LAUTRIDOU J.P. 1990. The stages of the flandrian transgression in the bay of Le Mont-Saint-Michel, INQUA-Field Conference. Britanny, Normandy, Jersey, Institut de Géologie de l’Université de Rennes 1, p. 36-41.
- MAUR Y J. 1968. Les cercles de Pierres des Grandes Causses, Bulletin de la Société préhistorique Française, t. LXV, fasc. 2, p. 591-598.
- MERLET R. 1974. Exposé du système solsticial néolithique reliant entre eux certains cromlech et menhirs dans le Golfe du Morbihan, Travaux du Laboratoire d’Anthropologie, Préhistoire, Protohistoire et Quaternaire armoricain, université de Rennes n. p.
- MORZADEC-KERFOURN M.T. 1990. Holocen sea level changes in the bay of the Mont-Saint-Michel. The tidal marshes of 001 de Bretagne, INQUA-Field Conference. Britanny, Normandy, Jersey, Institut de Géologie de l’Université de Rennes 1, p. 31-35.
- MORZADEC-KERFOURN M.T. 1974. Variations de la ligne de rivages armoricains au Quaternaire; analyses polliniques des dépôts organiques littoraux, Mémoires de la Société Géologique et Minéralogique de Bretagne, t. 17, 208 p.
- PRIGENT D. VISSET L. MORZADEC-KERFOURN M.T. LAUTRIDOU J.P. 1983. Human occupation of the submerged coast of the Massif Armoricain and post-glacial sea level changes in Quaternary coastlines and marine Archaeology edited by Masters F.M. and Flemming N.C., Academic Press, p. 303-324.
- THOM A. et A.S. BURL A. 1980. Mégalithic rings, British Archaelogical Reports, British Series n° 81, 405 p.
Archéologie Chausiaise
- BARTHELEMY G. 1973. Les Iles Chausey, Historique, Navigation, Ecologie, Ed. du Pélican, xx p.
- BOURDE de la ROGERIE H. 189-. Les îles Chausey in La Normandie monumentale et pittoresque, t. II, p. 265-271.
- CHANCEREL A. et FICHET de CLAIRFONTAINE F. 1990. Première campagne de prospection sur les îles Chausey (Manche), Bulletin de l’Association Manche Atlantique pour la Recherche Archéologique dans les îles, n° 3, p. 41-45.
- CHEVREMONT A. 1882. Les mouvements du sol sur les côtes occidentales de la France et particulièrement dans le golfe normano-breton, E. Leroux ed. Paris, 479 p.
- DESCHAMPS du MANOIR abbé J. 1873. L’archipel de Chausey, Mémoires de la Société d’Archéologie, Littérature, Sciences et Arts d’Avranches, t. IV, p. 159-170.
- DURAND de SAINT FRONT P. 1965. Les îles Chausey in Granville, Arts de Basse-Normandie, n° 36, p. 59-64.
- GIBON comte P. de 1988. Un Archipel Normand, Les Iles Chausey et leur Histoire, L’Ancre de Marine éditeur, st Malo (1ère ed. en 1918), 541 p. .
- HUREL C. et G. 1986. Les Iles Chausey, Inventaire et Histoire des Toponymes, s.l., xx p.
- JOURDAN abbé P. (1954) . Les îles Chausey, Saint Lô, xx p.
- MORANDIERE C. de la 1956. Le dernier archipel normand. Les Iles Chausey, Etudes Normandes, livraison XXI, 4e trimestre, p. 1- 16.
- MOULIN H. s.d. (ca 1850). Notice sur les monuments druidiques des Iles anglo-normandes du Canal de la Manche, s.l., 16 p.
- POTICHE Vicomte de 1891. La baie du Mont-saint-Michel et ses approches, Lechevallier et Picard ed. xx p.
- SERVICE REGIONAL DE L’ARCHEOLOGIE DE BASSE NORMANDIE. Fichier Carte Archéologique informatisé (Base de données DRACAR).
ANNEXE N° 1.
Etude de l’industrie lithique
par
Emmanuel Ghesquière
Matière première.
La matière première utilisée est composée de petits galets de silex marin, présents en grande quantité au sein des plages bordant le site. Cette matière abondante explique la grande quantité de galets débités, le peu de soin apporté au débitage et le faible pourcentage d’outils dans la série.
La série a été plus ou moins roulée par la mer, ce qui a rendu l’identification des pièces particulièrement difficile et ce qui explique l’abondance d’éclats indéterminés au sein de l’assemblage.
Débitage.
Trois phases de débitage différentes ont été observées dans la série:
– La phase d’entame et de sous-entame, qui représente 28,5 % de la série, est représentative du débitage côtier sur petit galet de silex. Les éclats ne semblent pas posséder de doubles bulbes de percussion qui caractérisent le débitage cotier sur enclume défini par Joussaume en Charente-Maritime.
– Le débitage d’éclats, qui représente 31 % de la série, comprend des éclats typique du plein débitage d’éclats (négatifs d’éclats centripètes à la surface, absence de préparation du plan de frappe,…) et les éclats indéterminés, indéfinissables car trop émoussés. La dimension de ces éclats est limitée, la plupart d’entre eux mesurent entre deux et trois centimètres de longueur et entre cinq et dix millimètres d’épaisseur. 15 nucléus sur 21 représentent également cette phase (Fig. 6, nOI2). La plupart d’entre eux sont unipolaires ou croisés, à deux plans de frappe distincts. Plus rares sont les nucléus globuleux à plan de frappe multiples ou à débitage de part et d’autre d’une « crête ». Ces nucléus ont été abandonnés à cause de leur volume réduit (entre deux et quatre centimètres de hauteur) ;
– Le débitage larnino-lamellaire représente 9,3 % de la série: 25 éclats laminaires, 5 lames, 21 lamelles, fragmentées ou non, 75 éclats dont la surface révèle des négatifs d’éclats lamellaires et six nucléus.
Les éclats laminaires et les lames sont des produits assez proches, d’une longueur légèrement supérieure à cinq centimètres et d’une épaisseur comprise entre cinq et neuf millimètres. La largeur et la régularité les différencient, les lames possédant deux bords relativement parallèles et réguliers, les éclats laminaires possédant une base largement élargie par rapport au reste du support.
Les lamelles ne sont pas présentes en grand nombre dans la série, cela est peut-être dû au déficit de petites pièces (les esquilles ne représentent que 12,5 % du total). Ces lamelles sont des supports assez réguliers, d’épaisseur constante, trois millimètres en moyenne, à bords parallèles et réguliers mais à faible longueur, trois centimètres en moyenne. L’émoussé de leurs arêtes, ajouté à leur faible représentation explique leur absence au sein de l’outillage.
La préparation du débitage lamino-lamellaire se traduit par un esquillement soutenu du bord de frappe, afin d’éliminer les corniches proéminentes. Il en résulte des talons punctiformes pour les lamelles, un peu plus épais pour les lames. Les bulbes de percussion, rarement observables, révèlent l’emploi d’un percuteur de pierre, plus ou moins tendre selon les artefacts. Les trois percuteurs de grès,’ à extrémité bouchardée, découverts sur le site ont très bien pu être utilisés à cette fin.
Les 75 éclats, montrant des négatifs d’enlèvements lamellaires, peuvent être interprétés comme des accidents de taille, le « coup » étant généralement porté trop loin du bord de frappe, créant un accident fréquent dans le débitage de petits galets de silex.
Les six nucléus à débitage lamellaire présents sont comparables dans leur morphologie aux nucléus à débitage d’éclats (unipolaires ou croisés).
Outillage.
L’outillage représente 8,6 % de la série lithique, ce qui est un faible pourcentage pour la période néolithique. La matière première et la technique de débitage collaborent à cela, la perte des petits éléments de la série et l’aspect indéchiffrable des retouches également. Deux catégories dominent l’outillage, les grattoirs (55,8 %) et les éclats retouchés (19,2 %).
– Les 29 grattoirs sont réalisés sur tous types de support, éclats d’entame, de sous-entame lames ou lamelles et surtout éclats de plein débitage (Fig. 6, no3 à 8). La plupart d’entre eux mesurent entre deux et trois centimètres de longueur et entre un demi et un centimètre d’épaisseur. La retouche est régulière et déborde parfois sur les cotés des pièces.
-Les 10 éclats retouchés, réalisés sur support de dimension supérieure à celle des grattoirs présentent des retouches diverses, esquillements prononcés, large coche ou encore machurage.
-Deux burins sont présents: l’un est un burin sur lame effectué à partir d’une cassure; l’autre est un burin double sur éclat (Fig. 6, n°1), dont les deux coups de burin ont été détachés à partir d’une « pseudo- troncature », façonnée par retouches inverses plates.
Deux armatures tranchantes sont présentes (Fig. 6, n°9-l0). Elles ont été réalisées sur support laminaire particulièrement épais, le n° 10 ne possède qu’un bord abattu, le deuxième bord étant assuré par une charnière abrupte.
Une probable armature perçante est présente (Fig. 6, n°11). Les retouches partiellement couvrantes dont elles a fait l’objet fait penser à une ébauche de pointe.
Il faut également signaler une lame retouchée qui peut être comparée à un couteau à dos (Fig. 6, n°2), les retouches de son bord droit sont semi-abruptes mais le bord gauche (brut de débitage 7) est abrupt.
Un fragment d’outil gélivé est peut-être paléolithique. Les bords irréguliers, façonnés par retouches abruptes, donnent une forme légèrement trapézoïdale à la pièce.
Le reste de l’outillage est constitué de 3 grattoirs denticulés, à front irrégulier et de deux perçoirs épais, réalisés sur éclats.
Comparaisons et attribution chrono-culturelle.
L’attribution de la série à une culture est difficile étant donné la faiblesse du corpus, l’état général des pièces et la carence probable de certaines petites pièces telles que les outils sur lamelle, généralement plus caractéristiques.
Le débitage mis en oeuvre indique une attribution possible au Néolithique Moyen II, en fonction du débitage lamino-lamellaire mis en oeuvre. Le pourcentage réduit de ces produits est comparable au débitage entrepris sur le site de Grentheville (Calvados) et Herqueville (Manche) et correspond bien aux besoins limités de ces deux types de supports dans l’outillage (couteaux à dos, armatures, lamelles retouchées.. .).
L’outillage est plus difficile à attribuer. La fréquence des grattoirs et leur diversité morphologique évoquent aussi bien le Néolithique moyen II que le Chalcolithique. Les armatures perçantes trouvent également leur place au sein de ces deux cultures (Augereau, 1991 et Thévenot, 1991) , bien que leur présence en Basse- Normandie n’ait pas encore été confirmée en contexte N.M.II. La diversité du reste de l’outillage, la présence probable d’un couteau à dos et les armatures tranchantes évoquent davantage le Néolithique Moyen II. La faiblesse du corpus et son état ne permettent pas de trancher entre ces deux hypothèses.
Bibliographie
- Augereau A. et Barnard D. (1991) : Les industries lithiques du Néolithique Moyen II des vallées de la petite Seine, de l’Aisne et de l’Oise. Identité du Chasséen, Actes du colloque International de Nemours, Mémoires du musée de Préhistoire d’Ile de France. 4, 1991, pp. 235 à 249.
- Thévenot J.P. (1991) : Remarques préliminaires sur l’industrie lithique des niveau.x chasséens de Chassey (La Redoute). Identité du Chasséen, Actes du colloque International de Nemours, Mémoires du musée de Préhistoire d’I/e de France. 4. 1991. DO. 251 à 259.